CPI: les menaces du Mossad contre Fatou Bensouda via son mari marocain

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Fatou Bensouda, l'ancienne procureure générale à la Cour pénale internationale ©DR

Les longs bras du Mossad ont tenté d’atteindre l’ancienne procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda en agitant des menaces contre son conjoint marocain, selon une révélation de The Guardian et un collectif de médias israéliens.

Fidèle à sa réputation entretenue par la production cinématographique à la sauce hollywoodienne le Mossad ne recule devant absolument rien pour atteindre ses objectifs. L’ancien chef de l’agence nationale de renseignement extérieure d’Israël, Yossi Cohen, aurait ainsi proféré des menaces à l’encontre de l’ancienne procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda lors d’une série de réunions secrètes où il aurait tenté de la convaincre d’abandonner une enquête sur les crimes de guerre, révèle The Guardian.

Les révélations sur l’opération de Cohen font partie d’une enquête menée par le média britannique, la publication israélo-palestinienne +972 Magazine et le média en hébreu Local Call. Ceux-ci se sont employés à prouver comment plusieurs agences de renseignement israéliennes ont mené une attaque silencieuse et sans merci contre la CPI pendant près d’une décennie.

Ami ou ennemi? 

Les contacts secrets de Yossi Cohen avec Fatou Bensouda ont eu lieu dans les années précédant sa décision d’ouvrir une enquête formelle sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité présumés dans les territoires palestiniens occupés.

Ladite enquête, lancée en 2021, a culminé la semaine dernière lorsque le successeur de Bensouda, Karim Khan, a annoncé qu’il cherchait à obtenir un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour le génocide à Gaza.

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L’implication personnelle de Cohen dans l’opération contre la CPI a eu lieu lorsqu’il était directeur du Mossad. Ses activités ont été autorisées à un haut niveau et justifiées sur la base que la cour représentait une menace de poursuites contre le personnel militaire, selon un haut fonctionnaire israélien, poursuit la même source. Il semblerait aussi que l’opération contre Bensouda avait un double objectif: si la voie de compromettre l’avocate générale ne marchait pas, place au recrutement en tant que personne qui coopérerait avec Israël. Du déjà-vu?

Ainsi, quatre sources ont confirmé que Bensouda avait informé un petit groupe de hauts responsables de la CPI des tentatives de Cohen de la rallier à sa cause. Selon des témoignages partagés avec des responsables de la CPI, Cohen aurait déclaré: « Vous devriez nous aider et nous laisser nous occuper de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des choses qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille. »

Chantage, menaces et infiltrations 

Une personne informée des activités de Cohen a déclaré qu’il avait utilisé des « tactiques méprisables » contre Bensouda dans le cadre d’une tentative, finalement infructueuse, d’intimider et d’influencer, comparant son comportement à du « harcèlement« . Le Mossad s’est également intéressé de près aux membres de la famille de Bensouda et a obtenu des transcriptions d’enregistrements secrets de son mari marocain, Philip Bensouda, un homme d’affaires maroco-gambien dont la famille est originaire de Fès.

Les responsables israéliens ont ensuite tenté d’utiliser ces éléments pour jeter le discrédit sur la procureure. Bien entendu, un porte-parole du bureau du Premier ministre israélien a balayé du revers de la main ses accusations, estimant que leur seule finalité est de nuire à l’Etat d’Israël. Les enquêteurs sont allés jusqu’à pointer du doigt l’implication de Joseph Kabila, l’ancien président de la République démocratique du Congo. Sous l’impulsion d’Israël, l’ex-président aurait aussi tenté d’influencer Bensouda pour lâcher l’affaire!

Les révélations sur les efforts du Mossad pour influencer Bensouda surviennent alors que l’actuel procureur, Khan, a averti ces derniers jours qu’il n’hésiterait pas à poursuivre « les tentatives d’entraver, d’intimider ou d’influencer indûment » les responsables de la CPI. Bien que le porte-parole ait refusé de commenter des allégations spécifiques aux médias concernés, il a déclaré que le bureau de Khan avait été soumis à « plusieurs formes de menaces et de communications qui pourraient être considérées comme des tentatives d’influencer indûment ses activités« .

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La décision de Khan de demander des mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant la semaine dernière marque la première fois que la cour a pris des mesures contre les dirigeants d’un pays étroitement allié aux États-Unis et à l’Europe.

L’affaire de la CPI remonte toutefois à 2015, lorsque Bensouda a décidé d’ouvrir un examen préliminaire de la situation en Palestine. À défaut d’une enquête complète, son enquête devait faire une évaluation initiale des allégations de crimes commis par des individus à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

La décision de Bensouda a suscité la colère d’Israël, qui craignait que ses citoyens ne soient poursuivis pour leur implication dans des opérations dans les territoires palestiniens. L’Etat hébreu avait depuis longtemps affiché son opposition à la CPI, refusant de reconnaître son autorité. Ses ministres ont intensifié leurs attaques contre la cour et ont même promis de tenter de la démanteler.

Peu de temps après avoir commencé l’examen préliminaire, Bensouda et ses principaux procureurs ont commencé à recevoir des avertissements selon lesquels les services de renseignement israéliens s’intéressaient de près à leur travail.

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