Produits agricoles épinglés en Europe: « Il faut se méfier de ces alertes » (Bouazza Kherrati)

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Bouazza El Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur. ©H24info

Le rappel d’une cargaison de melons marocains destinés aux étals français porte un nouveau coup dur à la filière agricole marocaine. Néanmoins, une association de défense du consommateur minimise la portée de ces mises en garde, estimant que le mal vient de l’Europe où ces substances sont produites.

Et rebelote! La France vient d’épingler une cargaison de melons marocains suspectés de franchir les seuils des pesticides tolérés. Oui, il s’agit encore et toujours de cette sempiternelle question de pesticides.

Contacté par nos soins, Bouazza Kherrati, président de l’Association marocaine des droits des consommateurs, temporise. Pour lui, cette information est à prendre avec des pincettes. Pourquoi? “D’abord, il s’est avéré que le système d’alerte européen RASFF est défaillant. En témoignent les deux derniers retraits effectués par cette plateforme à l’encontre d’envois du terroir”, justifie-t-il.

L’activiste fait référence au rétropédalage du système d’alerte européen concernant deux produits marocains suspectés d’enfreindre les normes européennes en matière de teneur en pesticides.

Certes, il y a eu cet “acte de contrition” solennel, mais il n’empêche que plusieurs lots de produits agricoles marocains ont été bel et bien identifiés comme étant non respectueux des normes sanitaires en vigueur ou contaminés par des virus à haut risque. Néanmoins, pour l’association qui s’affaire dans ce domaine depuis 1997, le débat est ailleurs.

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Nous bataillons depuis 2012 pour tirer au clair cette affaire de contamination aux pesticides. Nous avons organisé des séminaires et multiplié les rencontres avec les agriculteurs pour sensibiliser autour de l’impact de ces substances sur l’être humain”, souligne Kherrati, non sans déception.

Soulignant qu’il est inutile de s’attarder sur les effets nuisibles de ces produits sur la santé humaine, car ils sont de notoriété publique et prouvés scientifiquement, notre interlocuteur s’interroge: “Pourquoi l’Union européenne continue-t-elle à autoriser leur production et leur commercialisation?

Kherrati n’a pu s’empêcher de fournir cet exemple, qui en dit long, selon lui, sur la politique de deux poids deux mesures adoptée par les pays européens. Il s’agit de cette dérogation accordée en France à des agriculteurs d’une région du pays leur permettant d’avoir recours à un produit phytosanitaire pourtant banni dans l’espace communautaire.

Ainsi, aux yeux de ce médecin vétérinaire, cette affaire de pesticides est devenue une “arme commerciale”. “Avant, c’étaient les barrières douanières. Mais comme celles-ci ont été supprimées, place à présent aux barrières sanitaires”, observe-t-il.

Réorganiser, promulguer puis sanctionner

L’objectif est de freiner les expéditions de pays tiers, estime notre interlocuteur, qui reprend à son compte l’argument brandi par la filière marocaine. “Le temps de faire des expertises et contraster les deux résultats, le mal est déjà fait et la saison est perdue. Tout en sachant que la production agricole marocaine de fruits et légumes est la première à être livrée sur les marchés européens. Donc imaginez l’ampleur des dégâts pour le secteur exportateur national”, poursuit le défenseur de la cause des consommateurs marocains.

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Pour revenir à l’usage des produits phytosanitaires, Kherrati estime que la question des seuils tolérés n’a jamais été fixée à la suite d’une étude d’impact et de risque et aucune étude scientifique ne soutient cette thèse. “Déjà, les pesticides sont connus pour avoir un effet cumulatif: ils stockés dans la matière grasse. Par conséquent, l’absence doit être la règle générale, et donc il va falloir tarir la source pour arrêter la production de ces substances« , préconise l’acteur associatif.

Et de rappeler cette affaire qui remonte à 2021, lorsque des melons bio ont été refoulés aux frontières de l’UE à cause de la présence de résidus de pesticides. “Mais il se trouve que c’est le terreau utilisé par le producteur et importé depuis l’UE qui en contenait, donc ça vient de l’Europe”, précise notre interlocuteur.

Faut-il en conclure que le consommateur marocain est à l’abri de toute contamination excédant les seuils tolérés par le corps? Hélas, le tableau est loin d’être aussi rassurant. “Fort malheureusement, les produits frais au Maroc ne sont soumis à aucun contrôle, et ce, à cause de la Loi 13/83 et plus précisément l’article 16 autour de la répression des fraudes », regrette notre source. « Il s’agit d’un texte archaïque qui remonte à 1983 et dont les appels à son amendement ont été lancés depuis 2007, mais sans succès. Dans les conditions actuelles et au vu de l’anarchie qui régit ce secteur au niveau des marchés de gros des fruits et légumes et des souks, tout contrôle relève de l’impossible.

La solution? Il faudrait d’abord s’attaquer au fond du problème à savoir la réorganisation de ces structures de commercialisation qui échappent, actuellement à tout contrôle, propose Dr. Kherrati.

Comment se protéger contre les pesticides?

Le médecin vétérinaire rappelle que fort malheureusement, ces substances sont résistantes à la chaleur. Toutefois, il préconise un lavage intense à l’eau (3 à 4 fois) de ces produits agricoles avant leur consommation. Mais là encore, certaines substances pénètrent dans la chair du produit agricole et sont résistantes à toute tentative de lavage. « Nous demandons aux agriculteurs de respecter les dates de récolte pour éviter des drames comme celui survenu en 1999, quand des Marocains ont trouvé la mort suite à une consommation de melons fraîchement aspergés de pesticides et mis sur le marché aussitôt« , conclut notre expert.

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